Pensions alimentaires pour enfants lors du divorce en France: les juges appliquent-ils implicitement un barême économiquement justifié?

Bruno Jeandidier, Jean-claude Ray

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Résumé

Contrairement aux juges de la plupart des pays industrialisés, les magistrats français ne disposent pas de barème sur lequel s'appuyer pour calculer le montant de la pension alimentaire destinée aux enfants des parents qui divorcent. Pour autant, les décisions des juges ne sont pas le fruit du hasard, ces derniers effectuent très vraisemblablement un calcul, plus ou moins explicite et plus ou moins précis, en s'appuyant sur des informations objectives collectées lors de la procédure de divorce. A partir d'une base de données administratives relatives à des jugements de divorce (620 décisions de pension alimentaire pour enfant), nous analysons si les juges, en l'absence de barème explicite, suivent des logiques économiquement justifiées lorsqu'ils fixent le montant des pensions alimentaires pour les enfants, autrement dit s'ils ont un barème économique implicite. Nous nous demandons également si d'autres facteurs, moins justifiables économiquement, interviennent dans leur décision et, enfin, si un « effet juge » joue. Nos analyses montrent que les décisions des six juges analysées suivent effectivement des logiques économiques cohérentes, en particulier dans la prise en compte de la situation financière des parents, mais qu'elles font peu de cas des caractéristiques des enfants. En particulier, nos analyses montrent un lien positif (et décroissant à la marge) entre les ressources du couple et le montant de la pension alimentaire, un lien positif entre la part des revenus du parent débiteur (non gardien) dans les revenus du couple et le montant de la pension alimentaire, et un lien négatif entre la perception d'allocations familiales et le montant de la pension alimentaire. Si le montant de la pension est bien comme attendu décroissant avec la taille de la fratrie (ou le rang de l'enfant), en revanche il est indépendant de l'âge de l'enfant, ce qui est assez étonnant au regard de certains travaux qui montrent que le coût de l'enfant varie selon l'âge de ce dernier. Un second résultat inattendu est discuté dans le corps du texte : contrairement à l'hypothèse selon laquelle le juge pourrait chercher à réduire la charge du parent débiteur lorsque cette dernière est élevée (pour accroître l'effectivité du versement de la pension), on observe que le montant de la pension est statistiquement, ceteris paribus, plus élevé lorsque le parent débiteur a déjà à sa charge le paiement d'une prestation compensatoire destinée à son ex-conjoint(e). Il semble par ailleurs que les décisions des juges soient de plus influencées par des déterminants peu justifiables du point de vue de la situation économique des enfants ; en particulier, on observe un lien statistiquement significatif entre, d'une part, le montant de la pension alimentaire et, d'autre part, le genre de l'enfant, le genre du parent gardien et le type de divorce. La mise en lumière de tels liens, auxquels ne correspond aucune logique économique et aucune justification juridique, constitue donc un argument favorable à l'introduction, dans le système juridique français, d'un barème officiel de pension alimentaire pour enfant lors du divorce des parents.
langue originaleFrançais
EditeurCEPS/INSTEAD
Nombre de pages36
étatPublié - 2005
Modification externeOui

Série de publications

NomCahiers PSELL
EditeurCEPS/INSTEAD
Numéro145

mots-clés

  • divorce
  • pennsions alimentaires

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