Évaluation Longitudinale, Interconnexions et Randomisation : un Outil de Monitoring et d'Evaluation du Vivre-ensemble Interculturel

Le cadre juridique du vivre-ensemble interculturel et de l'intégration au Luxembourg a connu des changements importants en 2023. D'une part, la loi du 7 août 2023 a modifié la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration et a apporté trois changements majeurs visant à faciliter l'intégration professionnelles des ressortissants de pays tiers. Premièrement, les membres de la famille des titulaires d'un permis de séjour luxembourgeois originaires de pays tiers ont désormais un accès direct au marché du travail luxembourgeois sans nécessité de détenir un permis de travail. Deuxièmement, s'ils sont actifs dans une profession répertoriée comme étant en pénurie, les ressortissants de pays tiers bénéficient d'un accès plus favorable à un visa luxembourgeois. Troisièmement, pour les autres professions, l'ADEM disposera d'un délai de seulement sept jours pour vérifier la disponibilité de demandeurs d'emploi correspondant au profil requis pour le poste déclaré.
D'autre part, la loi du 23 août 2023 relative au vivre ensemble interculturel a abrogé la loi du 16 décembre 2008 concernant l'intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg et a délimité les instruments à disposition du ministère ayant l'Intégration dans ses attributions. A présent, ces instruments en vigueur à partir du 1er janvier 2024 incluent notamment un plan d'action national, un pacte citoyen, un programme du vivre-ensemble interculturel, composé de modules d'introduction à la vie au Luxembourg et de modules avancés, et un pacte communal coordonnant l'action du MiFa et des communes afin de mettre en oeuvre le vivre-ensemble interculturel au niveau local. Par ailleurs, les programmes d'accompagnement des demandeurs d'emploi et de formations linguistiques et professionnalisantes sont des domaines relavant respectivement de la compétence de l'ADEM et du Ministère de l'Education nationale (MEN).
Face à ces transformations et à la diversité d'acteurs impliqués à différents niveaux de gouvernance, la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation de la politique d'intégration et du vivre-ensemble interculturel au Luxembourg se révèle être un défi complexe (Docquier et Verheyden 2021). Cette complexité découle de plusieurs facteurs. Premièrement, ces programmes, qui sont généralement basés sur une participation volontaire, impliquent une auto-sélection des participants, ce qui nécessite des outils d'évaluation spécifiques (que nous proposons de mettre en oeuvre dans ce projet). De plus, l'information sur la participation à ces programmes est fragmentée, étant donné qu'ils sont gérés par différents ministère et services publics. Par ailleurs, au-delà de la participation à ces divers programmes, de nombreuses données individuelles essentielles à l'évaluation de l'intégration et du vivre-ensemble interculturel font défaut (par exemple, la motivation, les perceptions et les compétences des publics cibles, le degré d'ouverture interculturelle, le degré d'identification à la société luxembourgeoise et au groupe d'origine, les valeurs, attitudes et croyances, les réseaux et pratiques de sociabilité, les normes sociales d'intégration, etc.).
Une meilleure compréhension des effets des programmes et des obstacles à la participation permettrait de mieux informer les publics cibles d'une part, et de proposer des axes d'amélioration de ces programmes pour les pouvoirs publics d'autre part. De plus, une telle enquête longitudinale permettrait de créer un outil évolutif de monitoring de l'intégration et du vivre-ensemble interculturel au Luxembourg. Cet outil serait notamment une aide non négligeable, à la fois pour la définition des priorités stratégiques du vivre-ensemble interculturel à ses différents niveaux de gouvernance, mais aussi pour éclairer, preuves à l'appui, le débat public et les enjeux relatifs à la cohésion sociale, à la diversité et à l'interculturalité.